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Harry Gruyaert, la part des choses

Exposition

Photographe né à Anvers en 1941, Harry Gruyaert est un des pionniers de la photographie couleur, au même titre que les grands américains qu’il a très tôt vus et aimés, Joel Meyerowitz, William Eggleston ou Stephen Shore. Loin de sa Belgique natale trop étriquée, le New York du début des années 1970 l’expose au Pop Art et « à regarder autrement la banalité, à accepter une sorte de laideur du monde et à en faire quelque chose ». Ses amitiés avec la nouvelle scène new-yorkaise (Gordon Matta-Clark, Richard Nonas) confortent ce que Le Désert rouge d’Antonioni, « vu mille fois », avait déjà distillé en lui : le besoin d’arpenter le monde, de s’y jeter avidement, non pour le désigner ou nous en informer mais pour le sculpter, le modeler. Transcrire sa perception des choses et non les choses elles-mêmes. Se faire voyant, pas témoin.

Harry Gruyaert a dit cette lutte physique, ce corps à corps avec les choses et les êtres : « Je me jette dans les choses pour éprouver ce mystère, cette alchimie : les choses m’attirent et j’attire les choses ». Dans la bande passante de la vie, alors que tout se dérobe et échappe et pour que « tout tombe en place », il faut être à la fois plus là et moins là, s’oublier soi-même pour saisir la matière, la texture, tout ce qui fait l’ici et le maintenant ; se soumettre, tout en en cultivant la prescience, à un ordonnancement instinctif des formes, couleurs, symboles, lumières, motifs.

Harry Gruyaert, Belgique, Boom, Belgium, 1988
Harry Gruyaert, Maroc, Ouarzazate, Morocco, 1986
Harry Gruyaert, Belgique, Anvers Carnaval, Belgium, 1992

Alain Bergala dans Correspondance new-yorkaise distingue deux types de photographes : celui qui croit en la réalité et fait de la photographie un art de la présence et celui qui vit le réel comme impossible et ne fait que fixer l’absence. À l’aune de cette distinction, Harry Gruyaert serait une anomalie, un photographe dont la présence viscérale au monde vise avant tout à en saisir le caractère fugitif, intangible. Des trajectoires isolées, des espaces disjoints, des corps en périphérie, tout concourt dans ses images à rendre l’absurdité du monde, le collage surréaliste de la vie et ses morceaux détachés.

Photographier peut donc aussi être cela : communier avec un état de solitude et dire un mensonge plus vrai que la vérité.

– Diane Dufour

Prix:

De 6 à 8 euros

Le Bal

6 impasse de la Défense, Paris

Du 15 juin 2023 au 24 septembre 2023

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