« Top Secret– Le cinéma d’espionnage » une exploration des secrets de l’Histoire et du cinéma

« Top Secret– Le cinéma d’espionnage » une exploration des secrets de l’Histoire et du cinéma

Zoé Picard

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8 décembre 2022

Jusqu’au 21 mai 2023, la Cinémathèque française accueille une exposition spectaculaire sur le cinéma d’espionnage. « Top Secret ", dont le titre fait référence au film éponyme réalisé par Blake Edwards en 1974, met en lumière la réalité et les fantasmes sur les espion·nes. Le catalogue de l’exposition conçu par Alexandra Midal et Matthieu Orléan mélange histoire, cinéma et géopolitique. Encore une fois, l’institution historique sublime et démocratise le 7ème art.

© DR

Une exposition qui floute les frontières entre réalité et fiction

Les liens entre le métier d’espion·ne et celui d’acteur·ice sont indissolubles. Ielles doivent feindre, et séduire avec l’aide de nombreuses modifications corporelles. L’œuvre de la dernière salle est composée de masques suspendus. Ceux-ci nous regardent pour nous rappeler que nous vivons dans un monde de faux semblants. Les commissaires de l’exposition ont d’ailleurs rencontré Jonna Mendez qui était la directrice du département déguisement du laboratoire de la CIA. « Top Secret " est un échange permanent entre réalité et fiction. De réels gadgets d’espionnage sont exposés aux côtés des projections d’extraits de film. Il y a un rat piégé prêté par le musée de l’Armée de Paris, un parapluie empoisonné du KGB ou encore une paire de chaussures avec lame intégrée. Cet objet a été repris dans le James Bond Bons Baisers de Russie (1963). Cet assemblage astucieux entre objets historiques et extraits de films est très convaincant.

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Un fil historique des bouleversements géopolitiques et artistiques

Les salles sont organisées par ordre chronologique. Comme l’explique Frédéric Bonnaud, le directeur général de la Cinémathèque, dans le catalogue de l’exposition : « Comme l’espionnage, le cinéma est une technique qui ne cesse de s’alléger et de se sophistiquer". Grâce aux améliorations techniques, les outils d’espionnage deviennent de plus en plus discrets, au même titre que les caméras de cinéma. Si les espion·nes existent depuis l’Antiquité, ielles se sont considérablement multiplié·es à partir de la Première Guerre mondiale donc « Top Secret " se concentre sur l’époque contemporaine. Une salle est entièrement consacrée au KGB et à la Stasi et une place importante est donnée à la Guerre-Froide. L’exposition se termine sur les productions du XXIème siècle qui effectuent un changement significatif suite au 11 septembre 2001. A l’heure du terrorisme mondialisé, les méthodes d’espionnage et le genre cinématographique se renouvellent et se concentrent sur le Moyen-Orient.

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Une exposition qui dégomme les préjugés sexistes sur les espionnes

Le film d’espionnage s’est distingué avec l’Exécution d’un espion (1897) de Georges Méliès et se démocratise au sortir de la Première Guerre Mondiale avec l’expansion de la profession d’espion·ne. L’exposition rend hommage aux grand·es maîtres·ses de l’espionnage et aux célèbres réalisateurs tels qu’Alfred Hitchcock et Fritz Lang. Malheureusement aucun film projeté dans « Top Secret " n’a été réalisé par une femme. Ce n’est pas pour autant qu’elles sont ignorées. Au contraire. L’une des grandes qualités de l’exposition est sa mise en lumière du rôle central des femmes dans les conflits géopolitiques et dans ce genre cinématographique. La deuxième salle est en partie consacrée à Mata-Hari qui a été fusillée par l’état major en 1917 pour espionnage et trahison. C’est une figure érotique et mystérieuse qui séduit les réalisateurs de cinéma. Mata-Hari a notamment été interprétée, dans Agent X (1931) de Josef von Sternberg, par l’actrice Marlene Dietrich qui a travaillé pour les services secrets alliés pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le point culminant de cette salle concerne l’actrice et inventrice Hedy Lamarr, tristement méconnue alors qu’elle est à l’origine du GPS. Cette réhabilitation historique dégomme les préjugés sur les espionnes uniquement perçues comme des séductrices et apporte un regard critique sur les représentations sexistes qui ont façonné le cinéma.

© Heddy Lamar

« Top Secret " est une idée originale au dispositif tout aussi surprenant. L’exposition est accessible à toutes et tous car elle ne s’adresse pas qu’aux cinéphiles averti·es. C’est un hymne au cinéma et à sa capacité de représentation des conflits internationaux qui traversent les siècles. Un coup de maître.

© Les Espions, Fritz Lang (1928)